Maroc : Registre Social Unifié, la fausse bonne idée?
L’un des premiers enseignements de la rentrée politique marocaine est le placement du Registre Social Unifié (RSU) au centre des réformes stratégiques majeures (enseignement, caisse de compensation, aide aux populations défavorisées…). Piloté par le ministère de l’intérieur et inspiré du programme indien Aadhaar , ce registre se donne pour objectif de constituer une base de données regroupant les indicateurs économiques et sociaux des familles. Censé représenter un accélérateur de développement, la difficulté de sa mise en place et la dépendance de programmes gouvernementaux centraux à son application posent de sérieuses questions sur son appui à la série de réformes cruciales pour le Maroc. Plusieurs observations émergent avant la mise en application de ce registre:
- Le ministère de l’intérieur, chargé de la mise en place du RSU, est plus que jamais au centre des réformes stratégique nationales.
- Supposé régler des problématiques sociales urgentes suites aux contestations du Rif et aux crispations sociales au Maroc, le registre n’est censé entrer en application qu’en 2020.
Le gouvernement compte sur le Registre social unifié (RSU) pour mener à bien la réforme totale de la Caisse de compensation. Dans ce sens, le chef de gouvernement Saâd Eddine El Othmani a indiqué que le RSU vise à cibler les bénéficiaires des programmes sociaux dans le cadre de l’accompagnement des procédures de réforme globale du régime de compensation.
- M. El Othmani (chef du gouvernement), M. Doukkali (ministre de la santé) et M. Amzazi (ministre de l’éducation nationale) ont déjà avancé que la réforme urgente de programmes sociaux cruciaux (Caisse de compensation, Tayssir, Ramed) sont totalement tributaires de la mise en place du RSU. Dans ce sens, un retard dans la mise en place du RSU, une inadéquation du modèle indien avec le contexte local, ou un échec dans la mise en place de ce registre auraient des conséquences lourdes pour le Maroc qui vit une période de très fortes crispations sociales.
- En Inde, le programme Aadhaar fait l’objet d’une grande controverse. Il est ainsi accusé d’être inconstitutionnel. L’affaire a été portée devant la cour suprême indienne qui a réservé son jugement sur le programme à une date ultérieure.
- Enfin, dans le cas d’une application effective du RSU au Maroc, la question du stockage des données personnelles et de leur protection pose de sérieuses questions. Des bandes organisées ont ainsi mis en place de faux centres d’enregistrement pour le programme Aadhaar en Inde. Au mois de Septembre 2018, une enquête de trois mois du Huffpost India a révélé que les données d’un milliard d’Indiens ont été piratées à partir d’une base de données gouvernementale mal conçue.
Si l’identification des personnes en situation de précarité extrême est une nécessité au Maroc, et que le RSU peut apporter une solution partielle à cette problématique, le modèle choisi, la trop forte dépendance de programmes gouvernementaux d’urgence à son opérationnalisation, son application au contexte local, et la sécurisation des données personnelles de la population sont autant de problématiques soulevées par le Registre social Unifié.