Les risques de la « fermeture » des frontières avec la Turquie à l’Est et avec l’Afrique au sud
Dans le cadre de la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC), le Conseil de l’Europe a mis en place un plan pour « aider les autorités libyennes à améliorer et à renforcer la sécurité des frontières du pays. » Prévu pour une durée de deux ans, ce plan lancé le 23 Mai 2013 devait s’achever le 21 Mai 2015. Néanmoins, la crise migratoire qu’a vécu l’Union Européenne depuis Juillet 2015 a conduit les Etats de l’Europe à prolonger la mission jusqu’au 21 Août 2016.
Quelle est la situation actuelle ?
En 2015, Plus de 800.000 migrants et demandeurs d’asiles ont traversé la mer pour rejoindre l’Europe. Sur le nombre total de migrants arrivés en Europe, 54% proviennent de la Syrie, 15% d’Afghanistan, 6% d’Érythrée et 4% d’Irak. Les 21% restants arrivés par la mer en Europe viennent d’Afrique du nord et d’Afrique subsaharienne. Ils empruntent deux routes maritimes principales.
L’axe « Libye – Italie » représente le principal corridor migratoire utilisé par les migrants pour traverser la Méditerranée Centrale vers l’Europe. De janvier à septembre 2015, 137.500 migrants ont accosté en Italie en partant principalement des côtes libyennes, contre 172.000 pour toute l’année 2014. En effet, la chute du colonel Kadhafi a mis la Libye dans une situation de crise où persistent les conflits. Le pays est dans une climat de guerre civile. L’absence d’autorité centrale et d’Etat dans les différentes régions qui composent le pays profite aux réseaux de passeurs locaux.
Le blocage du trajet Libye – Europe a conduit les migrants à trouver de nouvelles routes pour se diriger vers l’Europe via la Turquie puis la Grèce. Arrivés en Grèce par la mer, les migrants doivent ensuite traverser la Macédoine, la Serbie, la Croatie et la Hongrie pour atteindre l’Autriche. La Grèce est devenue le principal point d’entrée des migrants clandestins dans l’Union Européenne. Environ 626.000 migrants ayant franchi illégalement les frontières de l’UE en 2015, sont entrés par la Grèce.
La principale raison de cette vague migratoire, qui devrait durer dans les années qui viennent, trouve ses origines dans une dégradation sur le plan économique, une absence de solutions politiques ainsi que la persistance de conflits armés. En effet, l’absence de perspectives et la pauvreté dans les camps pour les jeunes, les difficultés d’intégration économique dans les pays de premier accueil (pas de protection ni de droit de travail en tant que réfugiés) et l’enlisement et l’aggravation du conflit en Syrie constituent d’importants facteurs explicatifs du départ massif des jeunes réfugiés vers les pays européens à partir de 2014, où ces derniers espèrent trouver l’asile et des perspectives d’avenir, en vue de faire venir par la suite leurs femmes et enfants.
L’OTAN intervient également pour bloquer les migrants
« Il s’agit de participer aux efforts de la communauté internationale visant à endiguer le trafic illicite et les migrations clandestines en mer Égée. » – Jens Stoltenberg, Secrétaire Général de l’OTAN
Le 11 février 2016, les ministres de la défense des pays membres de l’OTAN ont décidé qu’une force navale de l’OTAN soit installée en Mer Égée pour prêter son concours dans le cadre de la crise des réfugiés et des migrants. Elle sera composée « des frégates Libeccio (Italie), Fredericton (Canada), Barbaros (Turquie) et Salamis (Grèce) ainsi que du bâtiment logistique Bonn (Allemagne). »
L’objectif de la force navale sera de surveiller les éventuels mouvements de passeurs et d’embarcation de migrants. Par la suite, elle transmettra les renseignements à l’agence Frontex. Cette agence est responsable de la coordination des activités des garde-frontières dans le maintien de la sécurité des frontières de l’Union avec les États non-membres.
Quels sont les risques à venir ?
La fermeture de l’axe maritime Libye – Italie (route de la Méditerranéen Centrale) à travers la mission EUNAVFOR MED (lancée le 22 juin 2015), a conduit les migrants subsahariens à trouver une alternative de passage. La route maritime reliant la Turquie à la Grèce (route de la Méditerranée Orientale) a été un point centrale dans la stratégie des migrants subsahariens qui souhaitaient se rendre en Europe. Par conséquent, nous pouvons nous attendre à ce que le renforcement du contrôle sur la voie de la Méditerranée Orientale couplé au durcissement du contrôle sur la voie de la Méditerranée Centrale, pousse les migrants souhaitant se rendre en Europe à emprunter l’ancien trajet qui consiste à se rendre en Espagne en passant par le Maroc.
Les volontaires africains pour un départ en Europe ne manquent pas. L’Afrique voit ses perspectives économiques assombries par la chute du baril du pétrole. Cette situation a conduit les pays européens à réduire leurs investissements dans les pays africains du fait de la chute vertigineuse des réserves monétaires que les Etats africains avaient pu accumuler avec un baril à plus de 100 dollars. A cela s’ajoute la montée des conflits internes et l’apparition du radicalisme religieux qui créent une situation de conflit et d’instabilité. Même les pays les plus stables politiquement et socialement sont touchés. Nous pouvons citer le Sénégal ou le Burkina-Faso par exemple. Ainsi, les paramètres qui ont causés la vague migratoire de 2015 sont identiques que ceux qui existent en Afrique : pauvreté, perspectives moroses, crises, conflits armés.
En effet, le Maroc partage une frontière terrestre avec l’Espagne en l’occurrence les deux enclaves Sebta et Melilla. Ces deux points de passage sont stratégiques pour les passeurs et plus particulièrement pour les migrants car ils se trouvent physiquement sur le territoire africain. Par conséquent, il est fort possible que la future vague de migrants passe par le Maroc pour se rendre en Espagne. Il faut également noter que le Maroc dispose d’un réservoir de migrants stationnés dans le nord du pays et qui n’attendent qu’une occasion pour traverser les frontières de barbelés qui séparent l’Afrique de l’Europe.